Quelques heures après notre départ de Thunder Bay, nous nous retrouvons à Terrace Bay alors qu’il commence à être tard et que nous n’avons aucun contact pour dormir le soir. Nous décidons donc de continuer l’auto-stop pour peut-être planter notre tente dans la nature un peu plus loin. Mais finalement nous montons dans la voiture de l’adorable Allison, qui nous propose directement de dormir chez elle, à Marathon. Elle nous cuisine un très bon barbecue puis nous emmène enfin voir le mythique Lac Supérieur, que nous suivons depuis le début de la journée mais que nous n’avons pas encore eu l’occasion de voir de près.
Nous sommes impressionnés par la beauté du lieu, paisible et silencieux. On se croirait en bord de mer, les algues en moins !
Allison est très affectée par le décès de son mari il y a quelques années de la sclérose en plaque, et nous parle beaucoup de lui. Habitant désormais seule puisque ses deux filles ont quitté le cocon familial, elle semble heureuse d’avoir quelqu’un pour lui tenir compagnie, ne serait-ce que le temps d’une soirée.
Nous aurions vraiment aimé rester plusieurs jours avec elle, comme elle nous l’a proposé à plusieurs reprises. Mais quelques jours auparavant nous avons fait des demandes d’hébergement sur le site internet Couchsurfing pour le lendemain, à Sault-Sainte-Marie, à 400km de là. Même si nous n’avons pas encore de réponse nous devons nous y rendre, au cas ou quelqu’un nous accepte d’ici là.
C’est l’avantage et l’inconvénient de Couchsurfing : lorsque notre demande d’hébergement est acceptée par quelqu’un, nous avons la chance de passer la soirée et la nuit au chaud, dans une maison en bonne compagnie, sans avoir à frapper aux portes. Mais en contrepartie nous devons faire en sorte de prévoir notre trajet en conséquence, et arriver à la ville de notre hôte à temps, même si pour cela nous devons nous dépêcher sur la route et passer à côté d’endroits où nous n’avons pas le temps de nous arrêter. Cette solution laisse peu de place à l’improvisation, mais elle est bien confortable lorsque l’on est fatigué de voyager !
Allison tente malgré tout de nous aider et publie une annonce sur Facebook expliquant que nous recherchons une voiture pour nous emmener à Sault-Sainte-Marie le lendemain. N’ayant pas eu de réponse, sa nièce vient nous chercher de bon matin pour nous emmener sur une aire le long de l’autoroute, à plusieurs dizaines de kilomètres de Marathon. Nous ne revoyons pas Allison, partie à 4h du matin avec son neveu en direction de Thunder Bay pour une sortie au zoo. Nous n’avons donc pas l’occasion de la remercier et de lui dire au revoir comme nous l’aurions voulu…
Le brouillard ce matin là est tellement épais qu’il est très difficile de faire de l’auto-stop. Les voitures nous voient à peine. C’est d’ailleurs pour ça qu’un couple, nous ayant vu à la dernière minute et n’ayant pas eu le temps de s’arrêter, décide de faire demi-tour plus loin pour revenir nous chercher.
Ils nous déposent à Wawa, d’où nous trouvons une voiture qui nous emmène directement à Sault-Sainte-Marie. L’homme y habite, mais côté États-Unis. En effet, Sault-Sainte-Marie est située pile à la frontière entre les deux pays. Coupée en deux, elle porte malgré tout le même nom des deux côtés…C’est d’ailleurs le long de la rivière Sainte-Marie, faisant office de frontière, que notre chauffeur nous dépose avant d’entrer aux États-Unis.
Nous passons l’après-midi là, à attendre une réponse sur Couchsurfing qui ne viendra pas. Déçus de ne pas êtres restés à Marathon avec Allison, et trop fatigués pour reprendre l’auto-stop, nous décidons de réserver une chambre privée dans un hôtel à 500 mètres du centre-ville. Nous payons tout de même 45€, mais au moins, nous pourrons nous reposer dans un bon lit.
Deux jours plus tard nous avons un contact pour dormir à Sudbury, à 300 km de là. Nous prenons donc le temps de retourner faire un tour dans le centre-ville de Sault-Sainte-Marie le lendemain matin, avant de quitter la ville à pied pour reprendre l’auto-stop.
Il ne nous faut pas très longtemps pour parcourir les 150km qui nous séparent de Blind River, où nous avions entendu parler d’un camping gratuit. Nous plantons la tente au bord du lac Huron (puisque nous avons enfin quitté les rives du lac Supérieur).
Le camping a beau être gratuit, nous avons accès (comme souvent au Canada) à des toilettes à la supérette d’à côté ainsi que des tables de pique-nique. Sans parler bien sûr de la magnifique vue sur l’un des cinq Grands Lacs de l’Amérique du Nord.
Nous discutons beaucoup avec un couple de retraités, venu passer plusieurs mois ici dans leur van aménagé (comme tous les ans) à pêcher et se reposer. Cela peut paraître étonnant vu le peu de commodités qu’offre l’endroit, mais on peut comprendre qu’il soit difficile de se lasser d’une telle sérénité.
Mais pour nous, la nuit n’est pas si tranquille que ce que nous espérions. Une tempête s’abat sur nous, et la tente est totalement trempée. Le matin, nous prenons le petit déjeuner dans la tente et attendons une accalmie en fin de matinée pour replier nos affaires et continuer notre route.
Heureusement nous n’avons pas beaucoup de kilomètres à faire ce jour-là, et nous faisons rapidement la connaissance d’un couple Brésilien/Saoudien vraiment très gentil, qui nous emmène directement à destination. Ils sont très intéressés par notre voyage et sont déçus de ne pas nous avoir rencontré plus tôt, sinon ils nous auraient invité à passer la nuit chez eux, à Sault-Sainte-Marie ! Nous sommes aussi très déçus car nous aurions pu passer plus de temps avec eux, et ça nous aurait évité de prendre une nuit d’hôtel !
Ils nous déposent à Sudbury, juste à côté de chez notre hôte du soir : Joe, alors que la pluie redouble de violence. Joe nous accueille timidement dans son appartement. Nous apprenons à le connaître autour d’un verre, et il nous parle de sa passion : le curling (sport qui nous paraît très étrange en France mais qui au Canada est tout ce qu’il y a de plus normal).
Dans l’après-midi nous rejoignons son ami Syd, et tous deux nous emmènent voir l’étrange attraction touristique de Sudbury : le « Big Nickel », une grosse pièce construite sur les hauteurs de la ville. Il s’agit d’une réplique d’une pièce de 5 centimes de 1951, qui commémorait le bicentenaire de l’isolation du nickel, minerai très présent à Sudbury.
Puis, après cette découverte et une bonne poutine offerte par notre hôte au restaurant, Joe et Syd nous emmènent faire une activité plus atypique que tout ce que nous avons pu faire jusqu’à présent : du lancer de hache ! Il n’y a sans doute qu’au Canada qu’on peut se retrouver dans une salle de sport, à lancer des haches sur une cible, et que cela paraisse tout à fait normal !
Nous passons un excellent moment, et même si nous ne nous en sortons pas si mal que ça, nous faisons vraiment pâle figure face à nos hôtes au moment de la compétition… Aucun doute qu’ils doivent souvent s’entraîner.
Après avoir passé 2h un peu hors du temps, nous finissons la soirée dans un bar où Joe nous offre des nachos, des cheesecakes ainsi que quelques verres. Ce n’est que vers minuit que nous rejoignons son appartement, fatigués mais heureux d’avoir fait autant de choses en une seule journée. Joe nous propose de rester une seconde nuit et nous acceptons avec plaisir. Toujours accompagné de son acolyte Syd, il nous emmène à environ une demi-heure à l’ouest de Sudbury, découvrir les Onaping Falls, de très belles cascades au milieu de la forêt.
Nous nous baladons une bonne heure le long de la magnifique rivière Onaping avant de rentrer.
Dans l’après-midi, Joe nous emmène au cinéma, voir le film « Les Gardiens de la Galaxie 2 ». Le problème, c’est que nous ne sommes pas assez doués en Anglais pour réussir à suivre un film aussi complexe. On ne comprend pas tout ! A la fin de la séance, nous sommes gênés et n’osons rien dire à Joe. Surtout que le cinéma dans lequel il nous a emmené coûte assez cher, avec ses sièges très confortables.
Comme pour compenser la séance de cinéma, Joe nous emmène une fois de plus au restaurant et au bar le soir. Sa générosité est impressionnante et nous passons une excellente soirée, même si nous sommes de plus en plus gênés par sa volonté de nous faire plaisir à tout prix. Joe est un hôte vraiment accueillant et ces deux jours avec lui ont vraiment été riches en découvertes et en bonne humeur. Nous sommes vraiment heureux de l’avoir rencontré.
Le lendemain matin il nous dépose à l’insertion de la TransCanadienne en direction de l’Est. Nous montons très rapidement dans la voiture d’une « Première Nation » qui va jusqu’à North Bay, où nous devons nous rendre le soir. Sur la route, elle fait plusieurs arrêts chez des amis. Nous sommes invités à prendre un café et un thé chez la première de ses amies, dont la fille est une sorte de guérisseuse pour son peuple. Elle s’occupe du dos du Julien, très douloureux depuis plusieurs mois, et en quelques minutes la douleur disparaît ! C’est très agréable pour lui de pouvoir enfin mettre son sac à dos sans ressentir ce tiraillement constant.
Une fois à North Bay, nous rencontrons notre hôte du soir : Gillian, professeur de français. Elle est adorable et ça nous fait beaucoup de bien de parler un peu français ! Malheureusement nous ne passons pas beaucoup de temps avec elle, puisqu’elle doit se rendre à un concert le soir. Elle nous a invité à venir avec elle, mais le prix est trop élevé pour nous. Comme sa soirée se termine par l’anniversaire d’un ami, nous ne la revoyons pas avant de nous coucher. C’est vraiment dommage car nous aurions sans doute passé un très bon moment avec elle.
Nous prenons tout de même le petit déjeuner avec elle le lendemain matin, et elle nous dépose sur la route en direction de la capitale Canadienne : Ottawa, où nous attend un nouvel hôte Couchsurfing le soir.
Il est vrai qu’au Canada, il est très simple de trouver un hébergement sur Couchsurfing, et comme nous sommes arrivés à un niveau du voyage où nous sommes fatigués de frapper aux portes, nous en profitons beaucoup. Et pourtant, nous avons fait tellement de rencontres imprévues depuis notre départ que nous savons que c’est possible sans prévoir quoi que ce soit ! Mais le confort semble être devenu notre priorité depuis quelques temps…
Nous n’avons même pas le temps de poser nos sacs à dos par terre pour nous installer, qu’une voiture s’arrête déjà à côté de nous. Pour couronner le tout, la conductrice, Jan, va directement à Ottawa, à plus de 350 km de North Bay !
Durant les quelques heures que dure le trajet nous avons tout le temps pour faire connaissance avec cette adorable femme, qui s’arrête à plusieurs endroits sur la route pour nous offrir des choses à grignoter. Et pourtant, comme en France, la nourriture que l’on peut trouver dans les petites supérettes des aires d’autoroute est hors de prix ! Les Canadiens sont décidément des gens d’une générosité extrême. Et contrairement à d’autres pays que nous avons pu traverser, cette générosité semble naturelle et s’applique à toutes les personnes qui ont la chance de croiser leur chemin. Nous sommes vraiment ravis d’être témoins de leurs sourires constants et de leur volonté de nous aider.
Jan nous dépose finalement juste à côté de chez notre hôte Couchsurfing, Clara, une Inuit.
Clara nous explique rapidement que dans la culture Inuit, l’accueil des invités n’existe pas vraiment. Pour elle, nous sommes plutôt comme chez nous, et nous faisons ce que nous voulons, de notre côté, sans être obligés de rester avec elle. Mais nous souhaitons vraiment apprendre à connaître notre hôte, et nous restons donc à discuter avec elle quelques temps.
C’est comme ça que nous apprenons qu’elle a eu une vie particulièrement difficile dans le Nunavut, territoire à l’extrême Nord du Canada, où elle est née et a vécu la majeure partie de sa vie. Elle nous explique que même si les Inuits vivent aujourd’hui dans des maisons en dur et sont obligés de s’adapter à la modernité, les mentalités sont encore très fermées sur certains sujets qui la touche particulièrement. Tombée en dépression, elle a décidé de quitter le Nunavut et de s’installer à Ottawa pour recevoir un traitement médical spécial, qu’elle ne pouvait obtenir chez elle. Elle a choisit de totalement s’y installer une fois son traitement terminé, et travaille désormais dans l’hôpital où elle a pu être suivie.
Clara choisit de se livrer à nous, alors que nous sommes des inconnus, et cela nous touche autant que ça nous étonne. C’est comme si nous étions déjà des amis alors que nous nous connaissons depuis quelques heures à peine… En contrepartie de sa confiance nous sortons faire quelques courses pour lui préparer le repas du soir.
Nous passons une nuit particulièrement chaude dans son appartement en demi sous-sol, et la clim ne suffit pas à nous rafraîchir. Nous ne dormons pas beaucoup, surtout que son chat, Oscar, a décidé de passer la nuit avec nous…Alors oui, il nous rappelle beaucoup Hadès (notre chat, resté en France chez les parents de Julien), mais on se serait bien passé de sa chaleur contre nos jambes !
Comme nous restons deux nuits chez Clara, nous profitons de la journée du lendemain pour visiter Ottawa. Clara nous accompagne et nous marchons plus de 4km pour rejoindre le centre-ville.
Depuis que nous sommes arrivés au Canada, nous sommes subjugués par les paysages que l’on aperçoit à travers les vitres des voitures qui nous prennent en auto-stop. Mais concernant les grandes villes qui bordent la TransCanadienne, nous sommes très souvent déçus. Mais Ottawa fait exception.
C’est la première ville aussi intéressante que nous avons l’occasion de visiter au Canada. Les très beaux bâtiments sont nombreux, tout particulièrement la « Colline du Parlement » où est construit le Parlement du Canada ainsi que de nombreuses annexes tout aussi belles que le bâtiment principal.
On prend plaisir à déambuler dans les rues bien entretenues, et à se reposer le temps du repas dans un parc surplombant le cœur de la capitale.
Ottawa est très étendue et lorsque nous nous décidons enfin à rentrer chez Clara, nous devons marcher plus de 7km, sous un soleil de plomb. Et si on s’attendait à retrouver un peu de fraîcheur en arrivant c’est loupé ! La chaleur de son appartement est aussi insoutenable que celle de l’extérieur.
Nous ne passons pas la soirée avec elle puisqu’elle ressort avec un de ses amis. Avant de partir elle nous cuisine un repas typiquement Inuit : des bannocks (sorte de pain fris) avec de la soupe, que l’on mange tous les deux en compagnie du chat. On se régale !
Finalement nous passons une troisième nuit chez elle. Nous en profitons pour nous reposer, passer du temps sur internet et surtout manger ! Clara nous cuisine un très bon plat pour le soir, qu’elle ne mange toujours pas avec nous puisqu’elle part se balader en fin d’après-midi et ne rentre que vers 22h, alors que nous sommes déjà couchés (le voyage, ça fatigue !).
Le lendemain, après un bon petit déjeuner nous quittons notre hôte pour reprendre la route en direction de Montréal. Malheureusement, l’auto-stop ne se passera pas tout à fait comme prévu ce jour-là. En effet nous sommes attendus chez nos hôtes pour 18h, mais nous ne pensions pas qu’il serait si difficile de trouver une voiture pour nous y rendre.
Nous marchons 45 minutes pour traverser Ottawa et nous installer sur une insertion d’autoroute. Une heure plus tard, un policier s’arrête à côté de nous. Il nous explique qu’il a entendu dans sa radio un appel nous concernant, et qu’une autre voiture de police est en chemin pour venir nous donner une amende (car apparemment, nous n’avons pas le droit de faire de l’auto-stop ici). Il nous conseille donc de nous éloigner et de nous cacher pour éviter de payer cette amende. C’est vraiment très gentil de sa part de nous avoir prévenu !
Nous reprenons donc nos sacs à dos et marchons jusqu’à l’insertion d’autoroute suivante. Nous attendons une nouvelle heure sous une chaleur accablante avant de trouver enfin une voiture qui accepte de nous prendre. Malheureusement, après réflexion, nous aurions préféré ne pas monter avec eux. Il s’agit de deux Canadiens francophones qui boivent énormément (y compris le chauffeur) et qui conduisent n’importe comment. En règle générale nous évitons toujours de monter dans ce genre de voiture. Mais cette fois-ci, sans doute du fait de notre retard et de la chaleur, nous avons été moins vigilants. Heureusement ils ne sont pas méchants et nous déposent à seulement 50 km de là. Le reste de la journée se passe à peu près de la même façon : de longs moments d’attente au bord de la route, de gros embouteillages à notre arrivée à Montréal, mais surtout, la grande satisfaction d’entrer dans un nouvel État que l’on attendait avec impatience : le Québec !